Maiolica Drinking Vessels
Sacred Water
Du latin aqua «eau» et manus «main», l’aquamanile avait à l’origine un usage liturgique, destiné aux ablutions du prêtre pendant l’office. Apparus initialement en Orient, les aquamaniles sont utilisés dès le début du Moyen-Âge. L’objet est couramment réalisé en métal, parfois en bronze, mais revêt alors une fonction plus utilitaire puisque l’on s’en sert comme fontaine de table pour se laver les mains pendant les repas. Les aquamaniles en majolique italienne demeurent d’une grande rareté. Seuls deux autres modèles sont aujourd’hui connus: le premier, issu de l’ancienne collection du Baron Spovieri, est conservé dans la collection de la Fondation de la Cassa di Risparmio de Pérouse; le second au Victoria & Albert Museum de Londres. L’aquamanile est un objet indispensable à la table du Prince à la fin du XVe siècle. Avant le repas, les convives se lavent les mains à l’aide d’une fontaine de table, le prince à l’aide d’un aquamanile. Cette coutume n’avait pas un but hygiénique, mais était une manière de se purifier avant de toucher les aliments. Il s’agit en quelque sorte d’un rite de passage entre l’ordinaire et l’extraordinaire, le moment de réunion. Exclusivité du Prince ou du seigneur, l’aquamanile est donc un instrument important du culte princier. Par sa richesse ornementale, notre objet en est le plus bel exemplaire aujourd’hui connu. Cet exemplaire se distingue et surprend par son ambition sculpturale. Ici, le corps cylindrique du récipient a pris la forme d’un cheval, l’anse est cachée au dos du cavalier, et le bec déversoir est dissimulé dans le poitrail de ce dernier. Ainsi, la fonction de l’objet s’efface ici complètement derrière la sculpture de grande qualité. Notre aquamanile doit être rapproché d’une fontaine de table du Victoria & Albert Museum formée d’un extraordinaire groupe sculpté. Cette fontaine représente le dieu Mercure tenant une pomme destinée à Pâris, lui-même en armure, allongé et endormi au pied de son cheval harnaché attaché à un arbre. Ces deux pièces de service de table de Cour partagent des similarités esthétiques dans la sculpture et le décor; les figures des chevaux sont étonnamment proches. Ces caractéristiques nous incitent à penser que ces œuvres ont été réalisées par le même artiste, peut-être pour la même table princière
Pilgrims' Tears
Ces trois gourdes bouteilles montrent l’évolution et les variations de la forme dite “gourde de pèlerin” en majolique à Urbino puis en France. Ce type de gourde était réalisé le plus souvent en métal, mais aussi en verre ou encore en céramique. Elles servaient à contenir de l’huile sainte ou de l’eau bénite. On retrouve le corps piriforme sur de telles bouteilles dès l’époque préhistorique. À l’époque pré-romaine, on a ajouté des anses et des bouchons. Sur nos exemples, le col “à vis” et les parois internes émaillées indiquent bien la fonction de contenant de ces objets si fragiles. On plaçait, un fil tressé ou unepetite corde placés au niveau des anses enroulées et des trous de préhensions au piédouche pour en faciliter le transport.
Riddles and Jewels
Les dressoirs de la Renaissance comprenaient quantité de diverses récipients qui y tenaient un rôle clé, tant pour l’ostentation que l’aspect usuel. Les aiguières, ou verseuses, se distinguent par une forme très élaborée, comme en témoigne un dessin de Cipriano Picolpasso tiré de son ouvrage Li tri libri dell’arte del vasaio (Les Trois livres de l’art du potier)1. La riche palette chromatique ajoute un côté précieux à l’objet inspiré de l’orfèvrerie. D’un point de vue fonctionnel, les aiguières entraient dans la composition de dressoirs à la Renaissance, aux côtés d’autres récipients (flacons, bouteilles, coupes ou pots trompeurs). En raison d’un ancien usage (on utilisait une aiguière pour se laver au cours du repas) une aiguière pouvait aller en suite avec un bassin. Les «pots trompeurs» de la Renaissance sont particulièrement rares et apparaissent dans les inventaires de la fin du 16ème siècle. Leur manipulation en était particulièrement délicate et leur fonction était principalement d’amuser les invités.
Water of Venus
Cette aiguière piriforme reposant sur piédouche est munie d’une anse à enroulement simple et d’un bec verseur découpé. La panse est ornée de trois sujets inspirés de l’histoire de Vénus, sa naissance et son triomphe, dont la déesse debout sur une conque et chevauchant deux dauphins, escortée par des tritons et des néréides, et enfin Neptune debout sur deux hippocampes. L’épaulement est orné de masques féminins asymétriques et d’un mascaron à la tête de lion sous l’anse, le tout lié par des draperies et d’important rubans et motifs feuillagés stylisés entièrement dorés. Sous le bec, encadrée par des filets et rinceaux d’or, une vigoureuse tête de Méduse en furie grimaçante avec grandes ailes dorées.Pour le décor figuré l’artiste s’est inspiré de trois importantes sources iconographiques: une gravure de Marcantonio Raimondi (vers 1480-1534), d’après une fresque de Raphaël pour la Naissance de Vénus, une autre du Maître au Dé, Bernado Daddi (vers 1512-1570), pour le Triomphe de Vénus et enfin la figure centrale du Quos Egode Marcantonio Raimondi pour Neptune et les hippocampes. Le style de Jean III Pénicaud, petit-fils de Nardon Pénicaud et neveu de Pierre Pénicaud, avec lequel on l’a souvent rapproché, se caractérise par cette utilisation parfaitement illustrée ici d’un émail bleu profond sur lequel tranche un émail blanc plus franc rehaussé d’or qui contribue à créer un volume, et par le dessin allongé de ses figures à la manière de Primatice ou du Rosso dont il s’inspire. La fluiditéet la transparence de ses draperies, l’usage abondant de l’or, sont aussi la marque de son art avec son goût pour les motifs décoratifs, de masques, guirlandes et silhouettes à l’antiqu